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Célia Belin, politiste : « Kamala Harris porte un regard différent sur le monde et la place de l’Amérique »

Peu visible du grand public et critiquée dans les médias pendant sa vice-présidence, Kamala Harris a été propulsée candidate à la vitesse de la lumière – dans un retournement qui ne manquera pas d’inspirer des scénaristes –, mais reste méconnue des Américains comme du reste du monde.
A un battement de cœur de la présidence, Kamala Harris a souvent représenté les intérêts américains auprès de partenaires étrangers. C’est elle qui rencontre le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en février 2022, pour le presser de croire en la détermination de Poutine à envahir son pays. C’est elle encore qui se rend en France, en novembre 2021, pour sceller la réconciliation franco-américaine après l’affaire des sous-marins australiens : elle prononce un discours au Forum de Paris sur la paix, lance une coopération spatiale et participe à un sommet sur la Libye. Lors de ces rencontres, les partenaires ont vanté son sérieux et sa capacité de travail, mais sans vraiment pouvoir clarifier ses vues de politique étrangère, ce qui les porte souvent à croire, à tort, qu’une administration Harris serait dans la droite ligne d’une administration Biden. Mais cela mésestime sans doute les évolutions qui traversent l’Amérique en matière de politique étrangère. Fidèle au président, Kamala Harris appartient toutefois à une nouvelle génération de démocrates, qui portent un regard différent sur le monde et la place de l’Amérique.
Parfois surnommé « le dernier président atlantiste », Joe Biden incarne une version classique de la pensée démocrate de politique étrangère : la foi dans le rôle vertueux du leadership américain sur la scène internationale, appuyé sur des institutions internationales fortes et des alliances militaires solides. Héritiers des internationalistes libéraux du temps de la guerre froide, les « leaders » prônent un usage raisonné mais ambitieux de la puissance américaine – le smart power, comme l’appelait Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat de la première administration Obama – pour lutter contre les révisionnismes russe et chinois et garantir la stabilité de l’ordre mondial.
Mais une contestation vigoureuse a imposé une remise en question du courant dominant de politique étrangère. Critiques d’une Amérique militariste et va-t-en-guerre, les « progressistes » considèrent que la politique étrangère doit avant tout servir les intérêts de la classe moyenne et ouvrière américaine, ravagée par deux décennies de guerre en Irak et en Afghanistan et par des accords commerciaux engendrant la désindustrialisation. Inspirés par les mouvements syndicaux et de justice raciale, les progressistes veulent voir la politique étrangère américaine prioriser l’action climatique et la lutte contre la pauvreté, plutôt que de gonfler encore le budget de la défense. Plus récemment, c’est Gaza qui est devenu le point cardinal des progressistes. Lors de la convention démocrate, la représentante Alexandria Ocasio-Cortez et le sénateur Bernie Sanders ont tous deux martelé l’urgence d’un cessez-le-feu, en écho aux milliers de manifestants propalestiniens à l’extérieur.
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